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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/85

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dans la famille. M. de Rhonans qui était monarchiste, lui fit des lycées de filles une peinture désobligeante ; et sa pieuse mère crut qu’elle les déshonorerait tous en entrant dans ces lieux de mauvais ton. Il leur paraissait avant tout intolérable que leur enfant travaillât pour vivre, et ils demandaient à cor et à cri le pourquoi de cette énormité.

La douce et docile Marceline leur démontra l’irréfutable vérité. Elle devait, dans l’insuffisance de sa fortune, pourvoir elle-même à son existence ; sans compter sur le hasard d’un mari. Elle entendait d’ailleurs vivre indépendante ; exempte des chaînes secrètes et douloureuses de la médiocrité mondaine. De plus, son goût la poussait à devenir historienne ; elle le serait : Ce furent de plus grands cris. Son professeur intervint : c’était un homme de valeur qui avait jusqu’alors seul entrevu le prestigieux esprit de la jeune fille. Il essaya de dévoiler à la famille de Rhonans un peu de cette âme insondable ; il parla du respect dû aux volontés de cette jeune créature d’exception, devant laquelle il fallait s’incliner comme devant une force plus haute.

Elle lutta encore deux années, puis passa l’agrégation, fut nommée professeur : dans une école normale de province, et enfin vint à Briois, dont le lycée féminin, le plus brillant de France, requérait l’éclat d’une personne telle.

Elle y avait un cours de deux heures chaque après-midi, et deux cours de matinée par semaine.

À part, elle traduisait, travaillait et annotait Thucydide pour la guerre du Péloponèse, dont l’histoire lui avait toujours paru le miroir même où