Page:Yver - Les Cervelines.djvu/86

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se reflétaient les deux personnalités troublantes de la Grèce, Athènes et Sparte. Elle donnait aussi de nombreuses répétitions aux aspirants du baccalauréat et, depuis que sa réputation s’élargissait, se colorait dans la ville grâce à ses conférences à l’Hôtel des Sciences, il devenait de mode que les femmes, et même les hommes du monde vinssent prendre près d’elle des leçons particulières.

— Ma chérie, disait-elle à Jeanne Bœrk, encore une dizaine d’années et je serai presque riche, et en même temps armée à point pour les définitives études que j’entends faire. Alors, je démissionnerai et je voyagerai. C’est sur place, sur la terre même où elles ont passé, que je connaîtrai bien ces nations qui m’intéressent, la phénicienne surtout. Dire que cela viendra peut-être un jour… que je verrai ce pays, cette mer, la même, vous entendez, la même qui tentait ces ancêtres, qui leur offrait l’Europe !…

Et elle s’arrêtait. Il y avait dans son enthousiasme quelque chose de sacré que profanait l’indifférence de l’étudiante, et sa vision s’acheva secrètement, faite de ces paysages irréels que son ardeur d’artiste lui créait sans cesse.

Elle ne parlait plus. Jeanne Bœrk, somnolente, froissait dans ses doigts une dernière cigarette sans penser à rien. Marceline vint à la fenêtre, poussa les volets. La lumière — une lumière blonde de soleil couchant — envahit soudain toutes les choses du petit salon : le bois sombre du piano dans le fond, la pendule d’or et de marbre blanc, la table aux photographies. Dehors, le ruban circulaire du boulevard, poudroyant et