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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/87

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désert sous ses arbres, enclosait la ville. Un grand silence en venait ; le silence béat des fins de dimanches en été. Dans le ciel décoloré, Briois se découpait avec la silhouette de ses clochers, de ses flèches, de ses tours, les silhouettes bougeantes et vives des fumées blanches. Une félicité semblait émaner de la ville, on aurait dit un dimanche de fête intérieure et calme. Des jardins, où les acacias étaient en fleurs, en même temps que les seringas commençaient à s’ouvrir, des parfums violents arrivaient par effluves.

Marceline pensait à ces voyages qu’elle ferait, qu’elle était sûre de faire, libre de tout et maîtresse d’elle comme elle l’était. Elle irait d’abord en Grèce, puis de là, vers la côte d’Asie. Elle verrait la Palestine, le Jourdain, et enfin Beyrouth, ce Beyrouth dont les photographies posaient là, près d’elle, sur la table, et où elle s’installerait le temps qu’il faudrait, pour respirer et découvrir sous le voile de la moderne Turquie le mirage fuyant de l’Antiquité, que sur ces contrées l’immuable nature éternise. Elle pensait à ces Phéniciens, à ces êtres pacifiques, à leur vie étrange qu’elle posséderait un jour pour la mettre en parallèle avec cette autre vie phénicienne actuelle que réalise le peuple britannique. Elle pensait à ce travail, à ses joies…

Son existence apparaissait lumineuse, pleine et féconde, comme un beau fleuve qui devant elle se serait offert. Elle en pouvait suivre les eaux irrésistibles avec sécurité. Tout ce qu’elle souhaitait l’attendait dans le futur. Sa vie actuelle, faite de succès, de sympathies, de jouissances cérébrales, la contentait déjà. Elle était jeune, admirée, indé-