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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/91

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il avait senti vers lui comme un mouvement de cette âme, de ce corps délicat.

Un soir surtout. Il arrivait comme de coutume pour le repas, à sept heures ; elle était au jardin, parmi le gazon échevelé de la pelouse qui lui grimpait jusqu’aux genoux. Quand elle l’aperçut, ses deux bras se portèrent en avant dans un instinct d’accueil tendre aussitôt réprimé, et pendant qu’elle venait à lui, sa longue robe bleue balayant l’herbe, il vit pour la première fois la particularité de son visage, la ligne du profil, des lèvres, dessinant dans l’espace comme un perpétuel baiser. Et il eut à cette minute, comme jamais, l’impression que c’était vers lui que tendait ce besoin de caresses.

Tisserel était rentré. On dina. Il faisait une chaleur étouffante dans la salle à manger, et trois fenêtres ouvertes sur les frondaisons sombres des marronniers ne donnaient qu’un jour de crépuscule. Jean Cécile parlait peu. Paul et Henriette discouraient seuls. La nuit tombait tout à fait quand on apporta sur la table les petits pois juteux, baignés dans le beurre sucré, qui fumaient de sariette, de thym et de marjolaine. On ne voyait plus que la pâleur luisante des porcelaines, l’éclat incolore des verres et, autour de la table, les trois blancs visages.

Cécile, dans les senteurs maraîchères de cette cuisine d’été, revoyait Pierre Fifre qui en était si gourmande. On n’allumait pas encore les lampes pour savourer mieux la fraîcheur du soir, et il sentait sur les siens, à chaque instant, les yeux d’Henriette Tisserel qui se croyaient voilés d’ombre. Mais il avait le dégoût d’aimer. Toute la