Page:Yver - Les Cervelines.djvu/92

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doctrine de la romancière sur l’amour lui revenait maintenant, trouvant un argument de plus dans sa lassitude, et il y acquiesçait. Ce qu’il devinait chez Henriette ne lui inspirait qu’un agacement froid et inquiet.

La jeune fille demanda :

— Voulez-vous prendre le café et fumer au jardin ?

D’ordinaire, elle quittait à ce moment la salle à manger ; mais il ne lui était guère possible, avec cette combinaison, de ne pas suivre les deux hommes. Ce fut ce que pensa Cécile. Et il regarda cette frêle créature, troublée, heureuse et peureuse près de lui comme les femmes qui aiment. Mais il n’en éprouvait rien qui pût s’appeler de l’amour. Il était un peu touché seulement et il s’avisa pour la première fois d’un certain air maladif qui était en elle.

Quand ils furent assis tous trois sur le banc de bois devant la table du jardin, il faisait nuit à demi, et toutes les conversations étaient tombées d’elles-mêmes. Dans la voûte noire des marronniers, au-dessus de leurs têtes, il n’y avait pas un bruissement. La nature ici semblait lourde comme un sombre décor de plomb ; mais par delà la haute grille du jardin, et vers la ville qui se découpait en formes nettes sur le ciel encore un peu lumineux du couchant, tout s’allégeait. C’étaient des fines silhouettes des toits, le long tube effilé des cheminées d’usines que l’industriel Briois semait partout ; c’était la puissante chose gothique, énorme comme un rocher noir à jour sur la lueur du fond la tour de l’église abbatiale ; plus loin deux bouts de clochetons, et,