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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/95

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mides, et, se penchant avec une sorte de passion, tout à coup se mit à l’embrasser.

Cécile se renversa au dossier du banc pour fumer plus à son aise. Son sentiment pour cette pauvre jolie fille si tendre était surtout une ironie un peu touchée, compatissante, repentante même, mais incorrigible. Il jouissait d’être ainsi aimé mystérieusement par ce cœur d’Henriette, avec un dilettantisme glacial qui lui faisait dire : « C’était de l’autre que je voulais cela. Il est trop tard ! »

Cependant, quelques instants après, comme Tisserel et lui, las de ces conversations tronquées par la présence d’une jeune fille, sortaient en semble, il lui demanda :

— N’as-tu pas remarqué que ta sœur est souffrante ?

— Non, je n’ai pas remarqué, fit le joyeux garçon.

Alors Cécile voulut préciser, fût-ce par un mot cruel, et donner à son ami la secousse d’un terrible éveil. Il s’agissait de la vie d’Henriette, et il sentait une sorte d’allégement de conscience dans cet intérêt affectueux qu’il avait d’elle.

— Tu as peut-être tort de n’y prendre pas garde ; surveille ses poumons. L’as-tu auscultée ? Le coup porta comme il pensait. Tisserel s’arrêta court, le dévisagea, les yeux vacillants d’angoisse soudain sous le lorgnon ; et il répéta le terme qui terrifie :

— Auscultée ?

— Elle avait ce soir de la température, poursuivit Jean Cécile implacablement, et je n’aime pas sa toux. Maintenant, si tu ne vois rien…