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Page:Yver - Les Cervelines.djvu/96

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— Je n’ai pas vu, je n’ai pas regardé ; je la croyais solide, répétait le malheureux dont Cécile avait ruiné la tranquillité d’âme et qui luttait pour la reprendre. Elle ne peut pas être malade ; j’en aurais été le premier averti. Elle ne se plaint pas…

— Si elle était ma sœur, prononça Jean qui s’intimidait un peu de prononcer ces mots, je l’examinerais de suite et je ferais quelque chose d’énergique. Je te le dis, tu m’entends, elle est malade.

Tisserel reprit, pour se tromper soi-même :

— C’est un rhume, je suis sûr.

Il avait pour sa sœur une affection large, caressante, souvent impérieuse et forte comme un amour de père ; une affection choyée aussi, entretenue par mille attentions de la part d’Henriette, de laquelle il ne pouvait se passer. C’étaient ses cigarettes roulées par ses doigts ; son café savoureusement fait par elle ; la cuisine surveillée selon son goût par la vigilante fille ; ses cravates choisies. Puis les soirées passées ensemble pour la comptabilité de la clientèle ; Henriette assise près de lui à la table de son cabinet, entre une tête de Rude et le presse-papiers de bronze qu’elle lui avait donnés, Henriette comptant les visites et additionnant les honoraires, soumise et bonne comme une petite épouse, et si résignée à n’être plus rien le jour où l’épouse vraie viendrait ! C’était sur cette chère associée de sa vie que planait la menace du mal, du mal même qui s’étalait le plus puissamment à ses yeux dans sa salle d’hôpital, celui qui l’occupait spécialement, que dans sa lutte de médecin il