Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/144

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demandait d’autres, vivement. Ici du charbon, là-bas du coton, elle happait tout ce qu’on lui donnait, et chaque soir les kilos de fil augmentaient. Le magasin en débordait, le camion automobile ne suffisait plus pour le porter à la gare. Mais aussi, fallait-il entendre, du bord de la rivière, le tonnerre des salles de filage ! Et là-haut les cheminées roses lançaient dans le ciel les fumées épaisses dont elles étouffaient ; on aurait dit qu’après avoir tiré des balles de coton le fil net et délié, l’usine en rejetait là-haut les résidus, à gros flocons sales.

Chouchou, qui descendait du train, venait à pas lents par le chemin bordé de saules où il faisait frais. Toute cette prospérité, son esprit subtil la sentit. Il regarda le chauffeur gorger de houille la gueule béante des foyers. Il vit qu’on arrimait les caisses dans le camion pour le train de trois heures, et qu’il en resterait sur les dalles du magasin. Il entendit le fracas des vingt-cinq mille broches dont pas une ne renâclait à la besogne. Alors il pensa aux Alibert qui étaient les auteurs de cette renaissance, et il se laissa griser un instant par l’émotion de la gratitude qui est la plus belle que l’homme