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Page:Yver - Les Cousins riches.djvu/186

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minute. Elle regarda monsieur et madame, elle revoyait tout leur roman, leur belle jeunesse, et monsieur, dans l’élégance de ses vingt-cinq ans, baisant la main de la pauvre fille qu’elle était : « Mademoiselle, il ne me reste plus qu’à vous remercier comme une personne de qualité. » Et la fuite dans le parc, et le voyage à Rodan, et les adieux déchirants des deux jeunes gens devant la porte lourde du couvent de la Visitation, et les mots troublants qu’ils s’étaient dits là, qu’elle avait entendus, humble servante, et qu’elle n’avait de sa vie répétés à personne, bien qu’après trente-deux ans elle eut encore dans l’âme le souffle de leur passion. Eh bien, dans son intellect un peu confus, le monument mystique de tout cela c’était sa maison, sa vieille maison, sa chère maison qui avait une figure et un sens.

Monsieur lui souriait comme au vieux témoin de son grand amour. Jamais ils ne reparlaient plus ensemble de ces choses anciennes, mais on savait bien qu’on y pensait rien qu’en se regardant. Nathalie reprit :

— Monsieur et madame ne me devaient rien, je n’ai jamais fait que les servir selon mon devoir. Mais j’ai eu ma maison, ma