Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/123

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je sais bien que je suis coupable j’étais pleinement heureux, je possédais l’une des belles femmes de Paris, elle était bonne, souriante, spirituelle et je l’aimais, je n’ai jamais cessé de l’aimer. Maintenant encore, si elle le voulait…

Il eut un bref tressaillement, puis le geste désolé d’un homme hors la vie qui entrevoit le foyer d’où il a été rejeté. Et le vieux Fabrezan, qui observait jusqu’aux moindres fibres de son visage, comprit combien le souvenir de cette belle épouse le troublait encore.

Alembert continua :

— Ce fut une surprise du sort. Oh ! vous savez l’histoire comme moi : cette curiosité bête que j’eus pour une femme de café-concert… Ce qu’elle a été pour moi, vous le devinez : rien, rien, moins qu’un bibelot, moins qu’un jeune animal gracieux dont on s’amuse quelques semaines… Est-ce que tout mon cœur, tout mon esprit, toute mon admiration n’allaient pas encore à Suzanne, le temps où je connus cette petite maîtresse éphémère ? est-ce que Suzanne ne me possédait pas, est-ce qu’elle n’était pas la sœur de mon âme, l’amante, l’unique ?… Ne croyez pas que je veuille m’innocenter : j’ai mal agi, j’ai trahi ma femme pour un plaisir, et, quand une amie de sa mère me dénonça, elle en eut le plus atroce chagrin. Les regrets que j’eus alors me révélèrent véritablement ma culpabilité. Mais en conscience, mon cher vieil ami, vous qui m’avez si fortement défendu lors du