Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/129

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cuisinière le beurre, le sucre les condiments. Bien que les jeunes gens, tous deux enfants uniques, eussent de jolis revenus, Henriette, en petite personne sensée, instruite d’ailleurs des entraînements coûteux de la vie parisienne, tenait à se faire justifier toute dépense, ne laissait rien au hasard, espérait avoir beaucoup de bébés, et, en prévision de cette nombreuse famille à élever, proscrivait sévèrement dès maintenant toute négligence, tout coulage.

Elle avait même, dès les premières semaines de leur mariage, très doucement, très tendrement, résisté à son mari qui, de goûts plus fastueux, rêvait d’abord d’une automobile, puis d’une femme de chambre pour Henriette, puis de réceptions où il eût égalé ses grands confrères du barreau. Mais il semblait que, chez la jeune femme, l’étude du droit, le sérieux des affaires, et aussi, peut-être, le triste spectacle des ruines étalées en tant de procès, eussent développé l’esprit d’ordre et d’économie. Elle ne voulait pas être amenée au désastre secret qui, à l’insu du monde, ravage à Paris tant de ménages dorés : par suite d’un mauvais départ, le train de maison, lancé à une allure qu’on ne peut soutenir longtemps, subsiste d’expédients, d’emprunts, jusqu’au déraillement final. Henriette discuta, chiffres en main. Avec les fermes qu’André avait en Normandie, avec ses rentes, il pouvait toucher par an de cinq à six mille francs. Sa dot, à elle, représentait davan-