Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/146

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— Personne, réitéra nerveusement Henriette, je ne recevrai personne.

Puis se tournant vers Fabrezan :

— Tout le reste s’est évanoui pour moi ; mon métier n’existe plus ! Le Palais ? je consentirais bien à ne plus le revoir de ma vie, si à ce prix je gardais André…

Puis elle quitta brusquement le bâtonnier : c’était l’heure d’un badigeonnage des amygdales Elle retourna près du lit, prépara les pinceaux d’ouate, le jus de citron, et, toute seule, enlaçant le corps d’André, elle le souleva. Alors elle se fit tendre, maternelle, oubliant qu’on l’écoutait, l’appelant avec des noms suaves, baisant ses lèvres contaminées, s’offrant au mal.

— Je reviendrai demain, prononça Fabrezan.

Et il disparut, craignant de ne pouvoir conserver son sang-froid davantage. Ce qu’il avait vu l’avait bouleversé.

« Oh ! la force des femmes ! se disait-il, tout à son admiration pour Henriette. Qu’on les laisse donc envahir nos fonctions, qu’elles plaident, qu’elles enseignent, qu’elles écrivent, qu’elles philosophent : rien ne changera leur merveilleux tempérament. Le don de soi leur est trop naturel : plus elles seront grandies, plus le don sera grand. »

Et il se reprocha d’avoir douté d’Henriette, du bonheur d’André. Ah ! le pauvre Vélines s’il avait la chance de vivre, quelle épouse il aurait là !…