Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/15

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nables. Mais qu’eussent dit tes pauvres parents, à te voir épouser une femme qui travaille ?

On apercevait là-bas la jolie Henriette Marcadieu riant avec son vieil ami. Elle était la grâce même. Cette toge légère lui seyait. La physionomie d’André s’adoucit soudain. Il aimait la jeune fille en cette robe qui la revêtait d’un uniforme semblable au sien. Il aimait cette grande salle des Pas-Perdus, si antique, si vénérable, où le vieux Parlement de Paris avait promené ses simarres historiques, où s’étaient déroulées les fêtes nuptiales des rois, où les clercs de la Basoche avaient tenu, sur un bloc de marbre, leur théâtre grotesque, où l’on avait traité des empereurs. Aujourd’hui elle synthétisait pour lui tout ce Palais qu’il rêvait de conquérir. Elle en était comme le cloître, et cette masse noire d’hommes en robes, pareils à des religieux, c’était sa confrérie ; une cohésion l’y attachait ; une solidarité mécanique, malgré les rivalités, les jalousies, le cimentait à ses confrères ; il partageait leurs intérêts, leurs vanités, leurs faiblesses, leurs gloires : c’était véritablement l’Ordre qui était là devant lui, et il s’y sentait lié par le plus fier des esprits de corps.

— Je n’ai rien à dire sur cette jeune fille, reprit l’orgueilleuse vieille dame ; ce mariage t’introduirait dans une famille de la haute magistrature, et mademoiselle Marcadieu ne répond guère à l’idée inquiétante que je m’étais faite d’une avo-