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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/16

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cate. Quand j’ai quitté Rouen pour la connaître, je me la figurais excentrique et de mauvais ton. Aujourd’hui, elle me fait l’effet d’un charmant bibelot dans ce vieux Palais de Justice, un mignon personnage de fantaisie regarde comme elle y est disparate ! Cette clameur que nous entendons et qui devient si formidable, c’est pour moi, mon petit, comme la voix du Palais. Ces plaideurs, ces centaines d’avocats si agités, en paroles ils brassent des millions, déchirent des unions qui furent amoureuses, arrachent des petits enfants à leur père ou à leur mère, renversent des murs, détournent des héritages, déshonorent des familles, réhabilitent un homme, sauvent la tête d’un criminel, innocentent des fripons. Il me semble apercevoir les billets de banque, les contrats de mariage, les testaments, les baux, les verdicts, voler, cascader, s’escamoter dans leurs grandes manches de magiciens, et ce sont leurs. mots baroques, les de cujus, les biens paraphernaux, les propres parfaits, les préciputs conventionnels, les cheptels de fer, les purges légales, tout ce beau jargon dont l’étude autrefois me renvoyait les échos et que je pense reconnaître dans ce brouhaha de tempête. Comment me feras-tu croire, André, que cette jeune fille, une enfant, qui joue à la balle avec son épitoge, puisse se complaire en cette barbare ambiance, jongler avec ces termes, méditer ces arides problèmes, et posséder sous son front de jolie femme le