Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/152

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du Parlement, « la tête baissée, la queue entre les jambes, était là pour faire entendre que les plus grands doivent s’humilier en entrant ». Et elle se rappelait même cette phrase solennelle du vieux chroniqueur : « Les lions du trône de Salomon figuraient la même chose »

Souvent le matin, avant d’aller à table, elle s’attardait à cette fenêtre. Le soleil de midi noyait le degré ; les membres du lion se modelaient puissamment, et toute une procession d’hommes graves, magistrats, avocats, avoués, greffiers, plaideurs, la serviette sous le bras, montaient le vaste perron, se hâtant vers les audiences commençantes Le valet de chambre cherchait madame pour annoncer le déjeuner. Vélines s’approchait, embrassait sa femme joyeusement ; et il ne s’avisait pas qu’une mélancolie passait sur le visage un peu pâle d’Henriette.

Ils ne devaient partir pour les eaux qu’à la fin d’août. Jusque-là Vélines avait ordre de se promener peu, de se suralimenter, de se reposer beaucoup. Sans cesse il s’alarmait de l’état de sa voix, questionnait Henriette, consultait de nouveaux spécialistes. Il lui était défendu de travailler, de recevoir le moindre client ; toutefois il comptait bien reprendre à la rentrée cette grosse affaire d’escroquerie où était impliqué le fondé de pouvoir de la Banque Continentale. Et il entendait recouvrer pour cette époque tous ses moyens, surtout sa voix dont il était orgueilleux.