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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/154

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mise, et elle obliqua vers le quai de l’Horloge. Elle se donna le prétexte d’aller revoir cette porte de la Conciergerie dont elle adorait le caractère gothique si intact, si pur ! Elle cheminait lentement au bord de l’eau, en touriste, regardant loin dans le passé le vieux Palais originel. Il avait été d’abord le lieu des galas royaux, l’hôtellerie des empereurs, fier de sa façade magnifique aux cinquante-trois fenêtres en ogives, de sa grande salle, la plus riche du monde, rehaussée d’or et d’azur, et dont chaque pilier supportait la statue d’un roi. Toute l’histoire de la France tenait dans ce monument. Et des réminiscences de choses lues autrefois revenaient en foule à l’imagination d’Henriette. C’était le maître d’hôtel d’Hugues Capet devenant fou furieux pour avoir touché de son bâton les reliques de saint Magloire exposées dans la grande salle. C’était le roi Robert y guérissant un aveugle, le jour de Pâques, rien qu’à l’asperger de l’eau de son bassinet après s’être lavé les mains. C’était Jean sans Terre y logeant. L’admirable conducteur de peuple qu’était saint Louis y avait laissé de mystiques et impérissables souvenirs. Marguerite de France y était morte de la peste. Dans cette merveilleuse grande salle, qui semblait demeurer vraiment, de siècle en siècle, le théâtre intime de la politique européenne, François Ier recevait le défi de Charles-Quint. Puis la vie multiple du menu peuple affluait au Palais : le commerce parisien venait y abriter ses échoppes.