Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/156

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vénérable, orgueilleux, généreux, se grisant de son propre honneur, gratifié de préséances, de privilèges, d’immunités, se créant à soi-même sa noblesse. L’un fait remonter sa profession « jusqu’au Verbe divin, plaidant devant Dieu pour défendre la postérité d’Adam ». Un autre prétend qu’elle est le plus bref chemin pour aller au ciel. D’Aguesseau chante son indépendance, écrit sur elle un dithyrambe, Merlin s’écrie pompeusement « L’avocat a le globe pour territoire ». Et le rôle des avocats est en effet sublime à ces époques de justice ténébreuse, omnipotente et étroite. Henriette sentait peser sur elle la gloire de cette ascendance ; elle en était l’héritière.

Elle voyait se découper maintenant, à l’angle du monument, ce donjon gracieux coiffé de travers par son campanile grêle, qui est la tour de l’Horloge Le trottoir désert tournait : elle se trouva mêlée à la foule qui descendait à cette heure le boulevard du Palais, dans un fracas de tramways, de fiacres, d’automobiles. Elle atteignit la grille de la cour de Mai, dont les fers de lance et les écussons dorés luisaient au soleil.

Alors le temple s’éploya devant elle dans toute sa splendeur, très grave, très sévère, très grand. L’aile droite, occupée par le tribunal civil, se baignait avec ses hautes fenêtres, son architecture théâtrale, dans une lumière crue de midi, tandis que les bâtiments de gauche, se noyaient d’ombre, comme formés de pierres noires. Mais