Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/159

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tances. Il paraît qu’il avait beaucoup de clients. Aussi sa spécialité, c’était d’obtenir des non-lieu ; on comprend maintenant pourquoi il harcelait les substituts, les juges d’instruction : qu’il plaidât ou non, c’était toujours le même prix !

La gentille femme racontait le scandale tranquillement, sans s’émouvoir : Mais Henriette, indignée, avait pâli.

— Et Fabrezan a appris cela ?…

— Mais oui, et il a estimé que ce n’était pas joli. Le conseil de l’Ordre s’est rassemblé avant-hier : personne n’a pu savoir ce qu’on y a dit ; on pense que Clémentin sera rayé.

— Je l’espère bien ! se récria Henriette.

Mais la jeune veuve, lissant les plis de sa toge :

— Ah ! que voulez-vous, on a du mal à vivre. Il faut parfois être audacieux pour arriver, si l’on n’est pas transcendant. Je vous accorde que le système de ce malheureux Clémentin avait quelque chose de louche ; mais, entre nous, ma chère, quand on est avocat, y a-t-il lieu de tant faire le dégoûté ? et pour ne pas prendre toujours ce caractère de compagnonnage avec le rebut de la société, notre métier est-il si scrupuleux ?… Oh ! je connais les nobles discours du bâtonnier, à la Conférence, sur l’honneur de notre profession, la générosité de son essence, notre passion de la justice… Tout cela est bel et bon, ma chère, mais dans la profession il y a, comme on dit, à boire et à manger. À nous examiner de près, notre souci