Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/174

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un groupe d’avocats entra sans qu’on y fit attention. Vélines était parmi eux, et près de lui, petite, très frêle, très pale. Henriette traversa la salle.

D’un coup d œil. Vélines vit l’affluence, la salle bondée, les bancs pleins de bruyantes mondaines, toutes les avocates présentes, et il eut la sensation d’une représentation théâtrale où sa femme allait s’offrir en spectacle. Un trouble le saisit. Il se défiait d’Henriette, de ce menu talent féminin, gracieux, qui par souplesse savait éviter la discussion du fond. Tant qu’elle n’avait défendu que les mineurs, à la correctionnelle, ses petites plaidoiries lui avaient semblé gentilles, faites pour égayer la monotonie des audiences, parfaitement inutiles d’ailleurs devant un tribunal qui instruit lui-même la cause dans son colloque avec le prévenu. Mais plaider ici, devant un tel public, pour une affaire si délicate et contre le bâtonnier !

Alors il eut un remords : celui de ne s’être pas montré plus autoritaire, de n’avoir pas exigé de la jeune femme qu’elle lui expliquât son plan de discours, qu’elle l’élaborât même sous sa dictée. Car, dans son respect infini de la personnalité d’Henriette, il lui avait concédé le droit, qu’elle exigeait, de travailler seule. Quel mari eût-il paru aux yeux de cette épouse d’exception, si subtile, si raffinée, en se faisant brutalement son maître jusque dans leur vie intellectuelle ? Il y avait là