Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/180

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homme en formation, malléable encore, attendant l’empreinte virile qui lui manquait. Et le vieux maître, dont l’éloquence devenait intime, touchante, se retournait, faisait un pas vers le public ; sa manche eut une envolée superbe :

— J’en appelle à tous les pères ici présents ! L’heure ne vient-elle pas où l’homme, à son tour, doit au fils dont il est responsable cette nourriture spirituelle, forte, productrice d’énergie, que la mère ne saurait lui donner ?

Et il cita ce fait que, dans une famille, quand le père meurt laissant des fils, le monde profère ce cruel axiome : « Mieux eût valu que ce fût la mère ! »

Quelques chapeaux féministes s’agitaient bien un peu, mais tout l’auditoire sentait que Fabrezan-Castagnac prononçait là un des plus beaux discours de sa vie judiciaire. Sa voix noble de vieillard emplissait l’enceinte, quand il définissait cette paternité parfaite qui crée une seconde fois l’enfant, à l’heure où l’homme le fait vraiment le fils de son esprit. Il y eut une sensation générale de contrariété lorsque le président, brusquement, fit taire l’avocat :

— Maître Fabrezan, vous en avez pour longtemps encore ?

— Vingt minutes environ, monsieur le président.

— Alors, l’audience est suspendue.

Le tribunal sortit. Et ce fut un tumulte : les