Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/184

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nieux. Elle y disait qu’au jeu des courses modernes, pour mettre des chevaux de valeurs différentes en état de courir ensemble, il était d’usage de les « handicaper » : on rapprochait du but, les plus faibles, les moins alertes. Aujourd’hui que deux causes étaient aux prises devant le tribunal et que sa cliente avait le terrible désavantage de n’être défendue que par une humble stagiaire, au nom de la Justice, leur commune maîtresse, elle suppliait les juges d’égaliser les chances en laissant un peu en arrière la superbe plaidoirie qu’ils venaient d’entendre… Et cette façon de rendre acceptable l’acte audacieux de parler après le bâtonnier dut paraître charmante, car un frémissement approbatif, presque imperceptible, courut autour d’elle, dépita ceux qui n’avaient pas saisi l’habile préambule. On se bouscula dans le fond de la salle. Un journaliste, le crayon à la main, fît quelque bruit pour s’approcher du banc de la défense. Deux photographes, à droite, élevèrent leur appareil et prirent un instantané de l’avocate. Le premier l’attrapa penchée sur la barre, dans une jolie attitude voulue de modestie ; le second, la prit dressée, son petit doigt en l’air, et découpée de profil sur un fond de confrères groupés contre le mur de gauche.

— Très bien, très bien ! déclara, dans ce même groupe, une voix près de Vélines.

C’était Blondel, l’ennemi des femmes au bar-