Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/196

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avec des balcons rouilles proéminents. C’était le vieux Paris, mourant de nos jours dans la Cité, après en avoir fait son berceau. Et des commis aux fenêtres des rez-de-chaussée, s’étonnaient de voir passer, ce soir, tant de belles dames.

À quatre heures un quart, Louise Pernette et Henriette Vélines manquaient seules à la réunion des avocates. Dans le cabinet de travail au mobilier d’acajou datant de la Restauration, trois simples lampes à pétrole éclairaient crûment, sous leurs abat-jour en papier, les sombres toilettes de ville des visiteuses. Mademoiselle Angély, dont les cinquante ans s’alourdissaient, gardait auprès de la cheminée son fauteuil à chimères. Accoudée à l’autre angle, la jupe de drap collée aux hanches, le chapeau hardi, le geste tranchant, madame Surgères, la vaillante féministe dissertait d’un ton de conférencier. Madame Martinal, à qui la maîtresse de maison vouait une particulière tendresse, demeurait debout près de celle-ci. Sous un feutre d’homme, ses cheveux bruns débordaient. Un peu subjuguées par l’éloquence batailleuse de leur aînée, les deux timides stagiaires, Jeanne de Louvrol et Marie Morvan, assises côte à côte, face au feu, l’admiraient en silence ; elles conservaient, après dix-huit mois de stage et de Palais, leur air gamin de pensionnaires, tandis que, toute droite devant le guéridon du thé, la belle Géronce, taillée en statue, avec ses sourcils peints et sa joue finement poudrée,