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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/197

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tenait tête à la féministe, l’appelait « ma petite Surgères » et ne se gênait pas pour lui décocher la riposte. Dans ce milieu actif du barreau, madame Debreynes, l’avocate amateur, était dépaysée. Sans rien dire, elle écoutait causer, clignant ses jolis yeux de myope. Elle avait choisi une chaise à l’écart, et madame Clémentin, maigre et bilieuse plus que jamais, avec sa jaquette étroite qui semblait serrer un corps d’enfant, l’avait rejointe, affectant, parmi ces dames, plus d’assurance qu’elle n’en pouvait avoir depuis que son mari avait été rayé de l’Ordre.

Le récent succès d’Henriette Vélines occupait alors tout le monde du Palais. Les hommes eux-mêmes admettaient ce jeune talent féminin, — les hommes qui, depuis l’intrusion des femmes au barreau, polis, courtois ou galants, ne les avaient jamais prises au sérieux. — Toutes les avocates éprouvaient de cette admiration un singulier malaise ; mais Isabelle Géronce, accoutumée à régner par sa beauté, même à la barre, avait ressenti plus qu’une autre la morsure de la jalousie. Aussi, madame Surgères l’agaçait-elle sourdement, à ne voir, en pure idéologiste, qu’un triomphe du parti dans la victoire d’Henriette. La féministe affirmait, en effet, que cette petite Vélines avait, ce jour-là, servi la cause mieux que n’importe qui.

— Mais, ma chère, répondait madame Géronce,