Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/201

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me semble que c’est là une raison suffisante. Trop longtemps les femmes ont supporté en silence l’offense de l’infidélité masculine, et, pour une fois qu’une d’entre elles enfin se révolte et impose à la faute de l’homme le même châtiment que l’homme avait inventé contre le péché féminin, faut-il qu’on jette la pierre à cette courageuse, à cette vaillante qui met en même ligne l’infidélité des deux conjoints, et pratique la répudiation du mari ?

On se tut. Mademoiselle Angély, se penchant sur le bras de son fauteuil, empoigna les pincettes et tisonna. Cette question de l’unité de morale pour les deux sexes touchait toutes ces intellectuelles férues de droit, de philosophie, de raisonnement. Une vieille indulgence était incrustée dans les mœurs bourgeoises pour la polygamie clandestine de l’homme. Chacune ici subissait cette influence atavique : les plus hardies s’insurgeaient contre elle ; les autres ne savaient au nom de quoi s’y soustraire, alors que le christianisme, source de notre loi morale, édicté les mêmes obligations de constance au mari qu’à l’épouse.

— Moi, déclara Jeanne de Louvrol, qui fit rire tout le monde, je trouve qu’un homme peut faire ça et rester un brave homme, tandis qu’une femme… eh bien, elle baisse dans mon estime !

Elle rougit, en petite fille décidée qui ne se résout pas encore à donner toute sa mesure, et