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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/206

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Louise s’efforça de faire bonne mine, mais elle était très pâle en répondant :

— Le dommage n’est pas grand, madame.

À ce moment, des « ah ! » de surprise, des exclamations d’enthousiasme, partirent du groupe qui fêtait Henriette. Dans sa fierté de jeune femme, elle venait de livrer la nouvelle imprévue, de parler du bébé qu’elle espérait. Et à l’explosion de joie, d’étonnement, de congratulations qui suivit, on aurait cru à un prodige. À la vérité, l’événement n’était point dépourvu de signification dans ce milieu de femmes « cérébrales ». L’une d’elles allait joindre au triomphe de sa profession masculine l’orgueil héréditaire de la maternité. Le sort comblait cette charmante Henriette en ajoutant pour elle à tous les apanages nouveaux récemment conquis par son sexe, l’éternel honneur de la femme : l’enfantement. C’était comme la justification de leur audace intellectuelle, à toutes. Déjà les grâces maternelles embellissaient Henriette. Sa gaieté avait un arrière-fonds de songerie ; toujours le souvenir de l’être éclos en elle lui revenait. Sa santé s’était altérée, et, sereinement, elle se voyait s’affaiblir avec cette générosité sans mesure de la mère qui se sent donner la vie.

La petite servante, une grosse enfant blonde de seize ans, apporta le thé sur un plateau japonais. Louise Pernette la reconnut pour l’avoir défendue, six mois auparavant, à la huitième chambre, où