Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/21

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cette délicate et si féminine Martinal. Aux cours de droit des lycées, dix ans auparavant, celle-ci avait été son élève, qu’elle avait distinguée, soignée, poussée jusqu’à la licence. Puis, la jeune fille, laissant l’école de droit, les leçons de code civil et Dalloz, avait connu l’amour, mordu à la vie et goûté cinq années de joie dans un poétique mariage avec le docteur Martinal, qui l’avait épousée pauvre, tendre et passionnée. Quand une diphtérie avait pris le jeune médecin, sa femme atteignait, entre cet homme follement aimé et trois beaux petits enfants, le summum du bonheur… Cinq jours plus tard, elle était veuve, sans ressources, et chargée d’élever seule ses trois fils qui, pareils à de petits oiseaux, exigeaient impérieusement, impitoyablement, la becquée.

Ces années de félicité avait été trop courtes pour lui laisser totalement oublier l’enseignement de ses livres de droit. Elle les rouvrit, passa le doctorat, prêta serment. L’Ordre fut accueillant pour cette courageuse créature qu’on devinait, sous son crêpe, encore toute palpitante de douleur. Inscrite à l’Assistance judiciaire, elle plaida d’office. L’audience terminée, on la voyait courir au vestiaire, ôter sa robe, revêtir sa livrée de veuve, retourner par le plus court à son quatrième du quai de la Mégisserie, où une tante âgée gardait ses trois petits garçons. Alors son cœur se détendait sa serviette jetée sur la table, où les paperasses s’étalaient, elle saisissait ses