Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/22

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chéris, les mangeait de baisers, cherchait, d’un geste animal, à les étreindre tous à la fois, et, malgré la défense du médecin, qui la trouvait épuisée, entr’ouvrait son corsage où s’enfouissait la tête du plus petit, dont les treize mois voraces s’obstinaient à réclamer les dernières gouttes du lait maternel.

Maintenant on commençait à la remarquer ; elle était au tableau. Des femmes allaient la consulter. On lui avait confié quelques procès. Une dame riche, pour une affaire de couturière, lui avait princièrement versé la provision trop souvent négligée. Ses dettes s’amortissaient. Elle goûtait le contentement âpre et fort de reconstruire seule son nid détruit, de le faire prospérer, et de savoir que ses enfants ne tenaient que d’elle leur bien-être. La famille était réorganisée gràce à son rôle double de père et de mère. Elle travaillait fièrement, indépendante, son inlassable chagrin perpétuellement consolé.

Elle répondit à mademoiselle Angély.

Mais je me porte très bien ! Mes petits garçons ne sont pas difficiles. On dit qu’ils m’éreintent : quelle erreur ! Je leur ai donné leurs deux heures de leçons ce matin, maintenant ils font tranquillement leurs devoirs… Venez-vous m’entendre ? Je plaide à la sixième de la cour où je suis intimée. J’ai un peu le trac ! Tout mon effet est réservé pour la péroraison de ma réplique : or le président est dur ; vous le