Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/24

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dame, et Marie Morvan ses cols de guipure. Les cols de guipure d’Isabelle Géronce étaient, au Palais, légendaires, considérables et scandaleux. Alors qu’une mode, tacitement reconnue, avait fait adopter aux jeunes avocates le petit faux col glacé, si simple, si coquet, et en même temps si neutre, puisqu’il accompagne aussi bien le costume de l’avocat, la féministe féminisante qu’était madame Géronce avait voulu mettre de la féminité dans son rôle masculin en choisissant un col qui fut vraiment une parure. « Car, disait-elle quelquefois, l’audience est un salon… » Cette dérogation semblait quelque chose d’énorme, et toutes ces jeunes filles, qui transportaient si curieusement dans les vestibules de l’austère Palais un peu des papotages du lycée, oubliaient volontiers, pour cette bagatelle, leurs petits clients de la Roquette, ou les jeunes servantes infidèles que d’office on leur donnait à défendre. Maternellement la bonne et indulgente Angély les y ramena :

— Eh bien ! Louise Pernette, votre gamin est-il jugé ?

Louise Pernette fit une moue :

— À huitaine, mademoiselle !

Elle était si joyeuse qu’à prononcer la phrase sacramentelle sur le ton même du président, et en imitant son bâillement d’ennui, elle eut un accès de gaieté. Elle se cacha le visage sur l’épaule d’Henriette Marcadieu, son amie. Puis, triste