Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/255

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il déplorait d’avoir écouté Henriette lorsqu’elle s’était refusée naguère à inscrire sur leur budget les frais d’une automobile. Ce soir, en particulier, cette décision de la jeune femme prenait à ses yeux un sens de mauvais vouloir. Que de temps il eût gagné à brûler, en de pareilles circonstances, le pavé de Paris ! Et les cahots de sa voiture lui rappelaient à chaque minute la pauvreté du véhicule, indigne de sa situation actuelle…

Le dîner fut taciturne. Henriette crut son mari préoccupé du procès Abel Lacroix : elle le considérait affectueusement, sans l’interroger plus que de coutume sur les soucis qui l’assombrissaient. Ni Vélines, ni madame Mansart, d’ailleurs, ne lui rapportèrent les propos louangeurs qu’ils avaient entendus sur elle dans l’après-midi. On aurait dit qu’une entente s’était conclue entre eux à ce sujet et l’on parla de tout sauf du Palais.

Le soir, quand la grand’mère les eut quittés, André retourna dans son cabinet ; Henriette se déshabillait lentement dans sa chambre. Elle s’estimait heureuse, comptait ses joies, songeait à son enfant, à l’amour de son mari, à sa gloire naissante. Tout lui souriait. Elle avait choisi la plus belle des vies, utile, laborieuse, intense, et les consultations de la journée lui revenant en mémoire, elle pensait avec orgueil aux femmes du monde, incertaines, pareilles à des mineures, qu’elle avait conseillées, guidées, orientées avec l’autorité d’un directeur spirituel, au milieu d’em-