Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/268

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regarder la gravure. Son fils devint très rouge, regrettant l’exclamation échappée. Tous doux. avec une inégale lucidité, reconstituaient l’audience. L’enfant n’ignorait pas que de cette partie célèbre il avait été l’enjeu : c’était sa pauvre petite personne qu’on se disputait devant les juges… Il ferma brusquement le magazine. Alembert s’éloigna sans mot dire. Marcel, troublé, l’épiait de coups d’œil obliques. Il le sentait très chagriné. Il dit :

— Je sais un nouveau morceau de piano. Veux-tu que je te le joue, papa ?

La nuit était venue : on alluma les lampes, Alembert s’assit au fond du salon, tandis que l’enfant s’installait au clavier. Il était joli et gracieux. Ses traits allongés rappelaient ceux de l’ingénieur. Ses mains trop grandes, présages de la haute taille qu’il aurait un jour, se détendirent et partirent agilement sur les touches. Sa mère était son seul professeur, et il avait atteint à une habileté précoce. Alembert, à l’autre bout de la pièce, le contemplait, reconnaissant bientôt l’air d’une sonatine simple et touchante que Suzanne se plaisait souvent à lui faire entendre le soir, naguère. Avec une légèreté qui simulait le clavecin, Marcel détachait les notes. Elles composaient une mélodie tissue de souvenirs. Au cartel de la muraille, les cinq coups de l’heure s’égrenèrent, se mêlant au son du piano. Là-bas, l’ingénieur eut un profond soupir. À partir de cet instant, ses yeux allaient