Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/279

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tueuse : la rigide vieille dame serra la sienne. Ils n’exprimèrent pas autrement leur émoi.

Elle l’avait pris à cinq ans, orphelin. Elle l’avait instruit seule jusqu’à dix, despote mais patiente, enseignant sans se permettre une vivacité qui aurait pu nuire à sa tache, l’avait envoyé au lycée, exigeant implacablement de bonnes places, sévissant quand des paresses commencèrent à engourdir ce grand garçon qui, à quatorze ans, parut s’épanouir tout en force physique. C’avait été une sévérité masculine, exempte de scènes, mais inflexible. André craignait sa grand’mère. Elle le contraignait à travailler malgré lui. Ce qui n’empêchait pas qu’elle lui fit l’adolescence la plus agréable, la plus gaie : car, en réalité, cette éducation s’opérait méthodiquement, selon un programme nettement déterminé par la sagacité de cette femme aux larges idées. Chaque jeudi et chaque dimanche, le petit lycéen prenait en quelque sorte possession du parc de sa grand’mère et jouait au seigneur, y recevant ses amis en toute indépendance. Et madame Mansart, qui l’eût fait trembler pour un pensum ou une mauvaise place, tolérait impassiblement que les arbres fussent brisés, la rocaille endommagée, les fleurs coupées, les gazons foulés Lorsque, postée derrière le rideau de sa chambre, elle voyait cette horde de garçons aux intonations muantes courir, souffler, lutter dans ses plates-bandes, et, à leur tête, ce gros André, lourdaud