Aller au contenu

Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

incroyable ses soixante et onze ans, vivace, ardente, terrible, toujours batailleuse, cachant un cœur honteux de soi qui ne s’exhiberait jamais.

Et comme, à ce moment, ce lit d’enfance qui fléchissait sous le poids de son corps, avec des mollesses de berceau, symbolisait toutes les douceurs de cette vieille maison, il pensa tout à coup :

« Oh ! il n’y a eu qu’une femme dans ma vie : celle qui s’était vouée à moi, qui m’a donné toutes ses pensées, toute son intelligence, qui s’est donnée elle même. Le dévouement d’un grand amour féminin, vraiment je l’ai connu ! »

Et il revit Henriette trônant à ses consultations, courant les audiences au Palais, plaidant ; Henriette tout occupée de sa propre gloire, jouissant de sa réussite, buvant les éloges, supputant les signes de sa célébrité, si peu ambitieuse pour son mari !… Alors il fit le procès de leur union.

Elle avait marqué chez lui un changement radical. Entouré jusque-là de soins excessifs par une créature toute à sa dévotion, il passait à ceux d’une jeune épouse d’exception, personnalité puissante se suffisant à elle-même, et qui déjà s’était fixé un but : le succès. En poursuit-on deux à la fois ? Cette pauvre Henriette, si désireuse d’arriver, ne devait-elle pas se désintéresser forcément de sa gloire, à lui ? Tandis que Vautre vivait jour et nuit dans la pensée du petit-fils promis aux grandes destinées, l’insouciante