Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/282

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Henriette, quoique aimante et tendre, parachevait égoïstement son individualité. Et il se rappela la touchante histoire de madame Mansart obsédant les rédacteurs pour obtenir des journaux un « écho » flatteur sur l’avocat d’Abel Lacroix…

Le lendemain, des sensations l’attendaient au réveil qui eurent la grâce d’une résurrection de son passé. Jamais, à aucun de ses retours chez l’aïeule, il n’avait connu d’émotion si vive… ce fut l’odeur du chocolat de la maison, le tintement de la sonnette à la grille d’entrée, puis dans la rue, le cri d’une vieille marchande de « cayeux », — ces grosses moules qu’on vend à Rouen : — depuis vingt ans, l’organe de la bonne femme n’avait pas changé ; son appel plaintif plus qu’engageant fît lever dans l’esprit d’André un vol de souvenirs. Il se crut en vacances, à seize ans…

Trois jours se passèrent. Chaque soir, une lettre d’Henriette arrivait pendant le dîner. Il la lisait froidement et la remettait dans sa poche

— Ta femme va bien ? demandait invariablement la grand’mère.

— Très bien.

Et l’on détournait la conversation, comme s’il se fût agi d’une épouse coupable sur le compte de qui l’on préfère être discret…