Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/284

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une dizaine de petites cités disparates, accotées les unes aux autres, ayant chacune leur église, leur population, leur couleur et leur caractère. C’était la rue Eau-de-Robec, où coule, sous l’arche de bois des ponts sans cesse répétés, une rivière noirâtre qui ronge le rez-de-chaussée des maisons. C’était la paroisse de Saint-Godard, aristocratique et morne, où toutes les portes cochères sont cintrées, où un léger duvet de verdure pousse entre les pavés. C’était le Rouen industriel, refoulé à l’est de la ville, en quelques rues spacieuses, désertes, froides, où l’on sent la cotonnade et les indiennes. — dont les pièces roulées s’élèvent en colonnes, au milieu des cours vitrées. — Puis la rue Grand-Pont, commerçante, grouillante, pavoisée, encombrée de ses tramways, de ses camions, de ses fiacres, de ses étalages, de sa foule. Et Martainville, le Ménilmontant rouennais, où l’on respire les pommes de terre frites et le hareng saur, tandis qu’au centre une église de dentelle, dont Jean Goujon sculpta les portes, édifie d’étage en étage ses clochetons, ses contreforts et ses arcs-boutants. Et c’était surtout un entrelacs de ruelles bizarres où s’attarde le moyen âge, faites de pignons pointus qui se heurtent, se choquent du front et paraissent caqueter ensemble comme vieilles en bonnet. Tortueuses et malodorantes, elles filent de biais et débouchent immanquablement sur un morceau magnifique de