Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/293

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aérien de la ville. Aux terrasses des cafés, dans une atmosphère de cognac et de poudre de riz, des tziganes raclaient leurs violons. L’air était tiède. Vélines s’accouda sur le parapet d’un pont.

Henriette avait ruiné son avenir : c’était vrai. Cela s’était fait sans drame, sans bruit, par le caprice d’une petite fille gâtée qui avait convoité tous les luxes, même celui du succès. Pouvait-il le lui reprocher, pourtant ?… Et il lui en voulait de ne point sur-le-champ, et par amour, rentrer dans l’ombre. Il souffrait, et il se plaignait lui-même de ne pouvoir être consolé.

« Aimer une autre femme ? se disait-il, jamais ! »

Et, au souvenir de leurs tendresses passées, des larmes lui vinrent aux yeux. Mais, à d’autres moments, il suffoquait de rage, et il l’aurait brisée comme on brise un obstacle qui vous barre la route.

Sous ses yeux, au ras de l’eau noire, une petite barque glissa, dont il entendit les avirons clapoter. Une chandelle, dans une lanterne en papier rouge, l’éclairait. Il aurait voulu y descendre, s’en aller dans cette coque de noix n’importe où, recommencer sa vie ailleurs et la faire grande à son aise.

Comme il redoutait maintenant le retour à Pans !… S’il prolongeait ses vacances ?… C’était comme un intermède dans sa tragédie. L’enfant ne devait naître que le mois suivant : pourquoi ne pas rester encore…