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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/297

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de cette noble maison de Justice, elle y tenait un rôle. C’était l’asile.

Cependant, en cette soirée de juin, ce n’était pas un dossier qu’examinait Jeanne Martinal. Son bureau s’étendait sous ses coudes, trop net. trop ordonné, trop vide pour une avocate, et c’était son livre de comptes qui s’ouvrait à la page du jour, sous ses yeux. À côté, plusieurs factures s’éparpillaient ; des feuilles volantes se couvraient de chiffres, et près de l’encrier bâillait, vide, la petite boîte destinée à contenir les économies.

Elle l’avait bien prévu la déveine était venue cet hiver, où elle n’avait pas gagné mille francs. Insensiblement les consultations s’étaient faites plus rares. Des procès qu’elle escomptait lui avaient échappé. Oh ! elle le savait bien, elle payait la chance de madame Vélines. Elle en avait le cœur un peu gros, car Henriette était riche et n’avait pas besoin de causes. Souvent, quand elle sortait du Palais et qu’elle voyait, place Dauphine, une file de trois ou quatre voitures arrêtées devant la maison de sa jeune confrère, des larmes lui montaient aux yeux. Maintenant que tant de femmes du monde se passaient le caprice d’avoir une avocate, laquelle serait allée quai de la Mégisserie quand, à deux pas de là, on trouvait la jeune célébrité du barreau ? Seulement, comme disait madame Martinal, Henriette était une si gentille amie qu’on ne