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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/298

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pouvait lui en vouloir. Et elle étouffait tout mauvais sentiment, s’efforçant à reconnaître la supériorité de l’autre.

Mais elle avait beau se montrer au Palais, promener de chambre en chambre, tant que duraient les audiences, sa robe judiciaire vieille de six ans, qui commençait à s’élimer, personne ne semblait la voir ; ou si, par hasard, des curieux, l’apercevant, demandaient :

— Est-ce elle ?

— Non, répondaient les initiés, ce n’est pas elle. Une fois, ce bout de dialogue qu’elle surprit

lui produisit l’effet d’un soufflet cruel.

Elle tenait bon, pourtant, jamais découragée, employant ses heures inactives à confectionner elle-même ses costumes, pendant que les petits griffonnaient leur devoirs. Elle en vint même à s’installer à coudre dans son cabinet, tant elle redoutait peu l’arrivée inopinée des clientes.

Peu à peu les ressources s’épuisèrent. La vieille parente geignait : elle voyait bien qu’on n’allait pas nouer les deux bouts. Madame Martinal achetait au rabais, chez le bouquiniste d’en bas, les Cent manières d’accommoder les restes, et se mit à cuisiner elle-même de petits repas peu coûteux. Les mois de lycée de Pierre, les notes du boucher la tourmentaient affreusement. Mais elle faisait la fière. Elle retourna, en les rallongeant, les trois costumes de ses fils, et, le soir, quand ceux-ci étaient couchés, repassait sur la