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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/299

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table de la salle à manger les petits cols empesés qu’elle mettait, au Palais, avec le rabat. Mais le dimanche, on prenait le « métro » ; tous quatre s’entassaient dans les secondes bondées de peuple : on s’en allait ainsi au bois de Boulogne, et les gens qui considéraient cette jeune mère couvant des yeux ses trois petits hommes, l’enviaient, tant elle paraissait crâne, allègre et heureuse. Elle n’avait jamais perdu confiance, et même, ce soir, devant l’évidence navrante des chiffres, ce pli du front qui donnait à sa physionomie suave quelque chose de militant, d’intrépide, se creusait davantage. Elle narguait le livre de comptes, la malchance, la misère, sentant bien qu’elle n’était point femme, avec tout le bagage de droit qu’elle avait en tête, son titre et sa force d’âme, à laisser péricliter le foyer et pâtir ses enfante.

Un pas résonna dans l’escalier, un pas qui montait à vives enjambées légères. C’était son aîné, Pierre, revenant de Charlemagne. Il entra en coup de vent, un peu frêle, la taille souple, son étroit visage mangé par des yeux pleins de rêve, les yeux de son père. Et, avec des gestes mâles déjà, il saisit le cou de sa mère et le fit ployer pour la baiser à la tempe.

— Ma jolie maman, avez-vous eu des consultations aujourd’hui ?

— Non, Pierre, je n’ai vu personne.

— Vous êtes allée au Palais, et on ne vous a pas confié de procès ?