Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/301

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agréable bien connu de ceux qui espèrent sans cesse une volte de la destinée. Des paroles furent échangées dans l’antichambre, puis la vieille parente qui faisait fonction de domestique introduisit madame Faustin.

Les deux jeunes femmes s’embrassèrent. Elles s’étaient liées depuis que Fabrezan, se complaisant à pareille antithèse, les avait rapprochées. Madame Faustin avait changé La pauvreté l’avait marquée peu à peu. Elle portait, en plein mois de juin, un lourd chapeau d’hiver délavé par les pluies, et sa robe noire, raccourcie de saison en saison, découvrait la cheville emprisonnée dans un gros bas de coton à côte qui en dissimulait la délicatesse. Mais toute sa détresse éclatait dans ses chaussures, des souliers élargis, devenus informes, où le pied devait se blesser à chaque pas. Ses yeux étaient brûlés.

— Vous avez du chagrin ? dit Jeanne Martinal en indiquant ses paupières rougies.

— Du chagrin ? je n’ai plus le temps… mais du travail, oui, la nuit. J’ai acheté une machine à coudre payable à la semaine, et je gagne dix-sept sous par jour en piquant des chemises, à condition de me coucher à une heure du matin.

Elle expliqua même que, pour assourdir le bruit de la mécanique, elle glissait des tampons de flanelle sous les pieds du meuble. Puis sur une question de l’avocate, elle avoua que M. Faustin s’était contenté de solder les premiers mois de