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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/309

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Un jour, même, il ne put s’empêcher de sourire, à suivre le jeu de madame Clémentin. Celle-ci, debout à la porte des référés, adossée à l’un des candélabres de bronze, accompagnait du regard la course lente d’Henriette, affairée, entourée, relancée à chaque pas, d’un bout à l’autre de l’immense vestibule. Et la bilieuse femme, rongée d’envie, incapable de se composer un visage, fixait sur la chanceuse confrère des yeux de convoitise qui trahissaient son supplice.

Souvent Vélines restait à la maison. « À quoi bon retourner là-bas ? songeait-il, ma carrière est finie… » À la vérité, la peur du ridicule qui le guettait, près de cette épouse en vedette, le retenait. Et il s’efforçait au stoïcisme, se comparant à ces hommes qui ont laissé aux mains de femmes aimées leur patrimoine, leur santé, leur honneur, et dressent encore la tête, ne regrettant rien de leurs libéralités ou de leur faiblesse, si ces maîtresses en valaient vraiment la peine. Lui, on l’avait dépouillé de tous ses rêves d’avenir, et il se retrouvait, à trente-cinq ans, sans but, sans nom, vaincu avant la lutte. Quelquefois, devant Henriette, il pensait : « Je l’adore » Mais, quand il l’entendait prononcer : « mon cabinet…, mon succès…, ma clientèle… », quand il la voyait triompher avec tant d’inconscience, s’épanouir béatement dans une de ces apothéoses démesurées que Paris sait faire aux femmes, et posséder enfin ce Palais qu’il avait prétendu conquérir