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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/31

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battre. Mais une image plus brillante la rasséréna. Une cliente était venue, la veille, lui verser quelques honoraires ; elle avait donné, cette semaine, plusieurs consultations lucratives ; et elle se souvenait de trois costumes aperçus, le matin même, aux vitrines de la Belle Jardinière, trois costumes de garçons, aux trois tailles de ses trois petits. Elle sourit, à se figurer les minces cous nus sortant du grand col marin, et les trois beaux petits corps sous le drap bleu collant. Mais elle n’en avait que plus de compassion pour le malheureux père qui savait son fils vivant et cependant l’avait perdu…

Absorbée dans des idées qui touchaient à ses préoccupations les plus habituelles, elle n’avait pas observé le manège de madame Leroy-Mathalin, la plaideuse aux trois procès pendants. Celle-ci, s’approchant savamment, avait peu à peu, à force de circonvolutions habiles, joint mademoiselle Angély dont elle ambitionnait le secours. C’était une femme de quarante-cinq ans, d’un embonpoint notable, la lèvre ombrée, le chapeau défraîchi sur une tignasse noire, dépeignée. Mais les petites stagiaires moqueuses n’eurent pas envie de rire quand la ridicule personne, avec une attitude suppliante d’importune, aborda leur maîtresse. Le plaideur s’impose toujours à l’avocat ; il commande son respect ; il disparaît pour lui sous l’apparence de la seule affaire ; ses cocasseries morales sont acceptées