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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/339

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mettaient une vague clarté dans la cour, et l’on entendait parler des gens invisibles.

Comme il fait lourd, ce soir ! prononça Henriette, on ne respire un peu que dehors.

André s’occupait à reviser un carnet de notes et, distraitement, répondit :

— En effet !… il est temps de quitter Pans. Elle ne s’en allait pas. Dans cette chambre d’homme, où un parfum léger était entré avec elle, sa mince forme blanche répandait comme une lumière. Vélines prit un crayon et s’assit pour inscrire un nom sur l’agenda.

— Quand j’étais petite, raconta la jeune femme à voix basse, ces soirées d’août me montaient l’imagination. J’ambitionnais alors un grand avenir politique : Je me sentais une vocation de suffragette… Plus tard, vers dix-sept ans, pendant ces soirs d’été, je rêvais d’être aimée par un jeune homme pauvre qui n’oserait me déclarer sa passion : alors, en pensée, j’allais à lui, je le baisais au front, et je lui promettais le bonheur…

— Voilà bien les songeries des femmes orgueilleuses ! interrompit Vélines, en faisant crier sous son ongle la tranche dorée de l’amenda. Elles souhaitent l’amant timide, l’amant humble, l’amant asservi, l’amant à genoux.

— Oh !… reprit douloureusement Henriette, je ne suis pas une femme orgueilleuse, moi

— Tu crois ? riposta Vélines, ironique.

Ils restèrent encore longtemps sans parler.