Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/359

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négligé de prodiguer à sa femme toutes les marques superficielles de l’affection. Elle était simplement devenue pour lui, dans l’existence, le compagnon banal qu’une rencontre vous donne, près duquel on marche, sans nulle antipathie, mais qu’une ligne infranchissable sépare de vous. Son chemin est parallèle au vôtre : il ne le rejoindra jamais. Ils avaient conservé de l’amour les courtoisies raffinées : ils échangeaient des baisers de convenance et discutaient sans aigreur leurs intérêts communs. Vélines, qui se débattait alors, semblable à un coureur entravé, dans le fouillis des procès insignifiants, tandis que sa femme plaidait des causes célèbres, taisait sa détresse comme une honte. Il n’aimait pas ailleurs, quoiqu’en put redouter la triste Henriette. Il n’aimait plus, tout simplement, et sa jeunesse paraissait morte. Les griefs qu’il avait, il voulait que sa femme les ignorât jusqu’à la fin. Un jour, comme elle tenait sur ses genoux sa petite fille et murmurait :

— Et toi, chérie, seras-tu avocate ?

— Oh ! non, non, jamais ! s’était écrié le père.

Elle crut avoir une révélation : c’était d’être trop absorbée en sa profession qu’André lui gardait rancune. Les hommes sont exclusifs : il l’aurait souhaitée perpétuellement présente à la maison, selon la mode du vieux temps. Peut-être même souffrait-il de la voir tous les jours