Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/367

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pela le long procès d’Abel Lacroix, qui lui avait prèle une renommée fugitive, et cette audience du jugement où il avait régné véritablement sur la foule. Les bourdonnements de son sang mettaient, cejour-là, sous son crâne comme un murmure immense et doux d’océan, et il revoyait aujourd’hui la curiosité des visages en quête de sa personne. Il lui avait semblé alors parvenir à un niveau supérieur de la vie, d’où l’on domine le reste du monde : il avait été passagèrement une puissance, un oracle, un maître… Déjà son individualité n’était plus la même aux yeux des autres, un encens flottait autour de lui ; déjà il comptait parmi les grandes voix du Palais…

Et maintenant… maintenant… Ah ! misère !… Ses poings se serraient. Il se voyait, enlizé dans la cendre grise de la médiocrité, retourner lentement à l’obscurité du débutant. On disait de lui : « le mari de madame Vélines, l’avocate », comme on disait de son ancien condisciple : « le mari de madame Duzy, la romancière ». Il était victime d’une illusion d’optique commune à tous les publics : un point de mire trop voisin de lui attirait les yeux ; les vraies gloires font le vide autour d’elles. Les petites causes ternes le tuaient insidieusement : il était devenu l’avocat moyen, celui du procès banal. Madame Gévigne donnerait désormais le diapason de sa clientèle. Et quand il pensait à cette affaire Marty, qu’il avait depuis tant de mois chauffée, soignée, caressée,