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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/369

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corps, de ses muscles bandés, de ses membres tremblants, semblait menacer la jeune femme, inquiète, et il criait, à faire courir des frissons sonores dans les pendeloques du petit lustre en verre de Venise :

— Oui, je t’en veux ! oui, je t’en veux ! parce que tu fus une mauvaise épouse. Jamais tu ne m’as aimé ; tu n’as été qu’une orgueilleuse ; une orgueilleuse, tu entends !… Dis le contraire !… Quand je t’ai confessé mon amour, n’as-tu pas hésité à te donner à moi, parce qu’il te fallait perdre ton nom, ce nom d’Henriette Marcadieu que l’on commençait à citer dans le monde judiciaire ?… Et, à peine promise à moi, est-ce que, tout de suite, tu ne te retirais pas un peu en me dérobant la partie intellectuelle de ta vie, en me défendant de partager tes travaux ?… Ce que lu entendais, ah ! je le sais maintenant, c’était séparer ta gloire de la mienne, c’était qu’on ne pût pas les confondre, c’était ne rien me devoir. L’aide affectueuse, et si naturelle, d’un mari pour sa femme, tu en aurais eu honte ; tu prétendais prendre ton essor seule, sans que je pusse me flatter de t’avoir soutenue… Est-ce vrai ? est-ce vrai ?

Et ses sourcils, contractés par un spasme de son visage, le défiguraient.

— J’en avais le droit, répondait Henriette avec un air de défi. Pourquoi me serais-je noyée en toi ? pourquoi me serais-je renoncée ? J’étais un être pensant, ton égale.