Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/370

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— Voilà quel fut le sujet de tes méditations, à une heure où les autres jeunes filles, les simples, les aimantes, sont ivres de tendresse, se promettent sans calculer jusqu’à quel point elles se donneront, et sans régler ce que d’elles il faudra réserver.

— Tu es injuste ! Tout mon cœur, je te l’avais donné.

— C’était ta personne et l’entier abandon de ta personne que je souhaitais. Mais une fois mariée, est-ce que tu ne t’es pas mise à m’observer froidement, à surveiller mes succès, avec les regards méfiants du concurrent qui redoute d’être dépassé ?… Et tu te multipliais, et tu t’exténuais à te créer un grand cabinet, et tu dénombrais tes consultations et les miennes, afin d’établir péremptoirement qu’avec tes vingt-six ans ? ta grâce et ta gentillesse, tu menais comme un troupeau, dans le champ des procédures, une clientèle supérieure à la mienne… Est-ce encore vrai, dis ? dis ?

— Et quand même !… prononça-t-elle, à la fin, lasse de cet affreux réquisitoire brutalement vomi devant elle par l’homme dont elle n’avait connu, même après l’amour, que la courtoisie délicate et la correction souveraine.

Et, prenant une chaise car elle n’en pouvait plus :

— Quand même, alors que la réussite était si facile pour toi, homme, je me serais un peu