Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/372

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— De toi, ma pauvre enfant !…

Et il eut un geste de dédain. En se redressant, il put apercevoir son image que reflétait au trumeau la vieille glace ternie où le tain affleurait par endroits, et il s’effraya lui-même. Dès lors il fit effort pour se reprendre et il se serait calmé, si les secousses de son cœur n’eussent continué d’ébranler sa poitrine. Il dut se reposer un peu et tomba dans un fauteuil où il resta longtemps silencieux.

— Je t’ai tant aimé, cependant ! murmurait Henriette, rassemblant ses souvenirs. Sans doute, je ne te l’ai pas fait comprendre. Jamais une jeune épouse n’a connu les émotions de tendresse que j’avais en te contemplant. Tu étais froid et concentré : inconsciemment, je réglais mon attitude sur la tienne… Mais je t’ai bien aimé ! Quand je t’ai vu si malade, j’ai désiré de mourir avec toi… Oui, par amour et pour t’inspirer de l’espoir, je baisais tes lèvres de diphtérique…

Et elle sourit avec amertume, en ajoutant :

— Voici où nous en sommes aujourd’hui !…

La vérité de sa situation ne lui apparaissait que peu à peu, mais bientôt elle l’envisagea tout entière. Dans leur ménage, ce n’était plus, comme elle l’avait cru, la simple lassitude indifférente, mais une guerre sournoise mettant aux prises le plus vif de leurs êtres, leurs ambitions. Quelle chaîne douloureuse la liait à cet homme dont elle ne connaissait plus que l’hostilité !