Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/373

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Quelle triste union désormais !… Et elle envia soudain l’indépendance magnifique de Suzanne, Suzanne libérée, Suzanne indomptable, Suzanne endurant les pires chagrins pour jeter plus haut le cri de la fierté féminine.

La voix de son mari la fit tressaillir quand il reprit :

— Je t’apportais un cœur neuf, un cœur d’une jeunesse rare à trente ans, un cœur dévoué. Ah ! si tu l’avais voulu !…

— Oui ! s’écria-t-elle, sur un ton où vibrait tout l’orgueil agressif prêché par madame Surgère, tu sous-entends : « Comme j’aurais été heureux si tu fusses demeurée l’épouse esclave, la sujette, l’obscure compagne qu’on protège, la petite lumière sous le boisseau !… » Quel tort ai-je eu, sinon celui d’avoir du talent ?… Dépenser mon activité, jouir intensivement de mon intelligence, remporter des succès, respirer un grain d’encens, j’ai adoré cela, c’est vrai : où était le mal ?… J’ai exercé ma profession auprès de toi, en toute loyauté. N’avais-je pas droit aussi bien que toi à la gloire ?’Si nous nous gênions et que l’un de nous dût s’effacer, au nom de quoi prétends-tu que ce devait être moi ?

— Au nom du bon sens commun, contre lequel on ne discute pas sans tomber dans l’absurde, qui défend à la femme de dominer dans le ménage sous peine de couvrir de ridicule l’homme, le chef, le mâle, le pourvoyeur de la famille.