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Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/384

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Henriette redoutait l’indignation de son vieil ami, mais il ne critiqua nullement ce procédé de vengeance. Ils restèrent encore une fois silencieux ; le bonhomme pinçait à pleins doigts ses joues molles. Tous deux, sans l’avouer, songeaient ensemble à ce retour du mari dans la maison déserte. Les nerfs d’Henriette, démesurément tendus, cédèrent enfin : un flot de larmes lui monta au bord des paupières, qu’elle refoula de son mieux. Elle eût été incapable d’en dire la cause. Elle s’en excusa, honteuse de cette faiblesse.

— Je suis lasse, lasse de tenir tête à tout le monde : c’est un phénomène physique bien naturel… On dirait que vous vous entendez tous pour me pousser à bout !…

— Mais, cher confrère, dit Fabrezan, je ne vous ai point persécutée. Vous êtes parfaitement libre et je n’ai pas montré autre chose que du chagrin devant la destruction de votre foyer. Laissons, si vous voulez, ce grand deuil de famille, et parlons de ce qui m’amène.

Son regard pétillait de malice et de satisfaction quand il ajouta qu’il venait, en simple avocat, traiter avec elle d’une question délicate. Il se carrait dans le fauteuil, s’enveloppait de son ample redingote, et, tout en mêlant quelques fioritures à son langage, car l’indélébile cachet professionnel était marqué dans ses moindres discours, il observait la jeune femme, l’étudiait,