Page:Yver - Les Dames du palais.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

principale était sa répugnance devant ce désastre : la faillite de sa plaidoirie… Quoi ! le plus retentissant de ses procès, le plus mondain, le plus poignant, celui qui devait consacrer définitivement sa réputation et inaugurer son existence de femme 1 i bé rée, elle y renonce rai t bénévolement ?… Et dans cette douce et sensible Henriette qui, s’émouvait à toutes les souffrances, l’intérêt personnel gronda une minute si furieusement qu’elle ne pouvait plus lire en elle-même. Elle eut une vision de l’audience : tout passa devant elle, — la planchette cirée de la barre, le tapis bleu du prétoire, les trois juges, et, derrière eux, les boiseries du fond ressemblant à un long confessionnal déplié et plaqué contre la muraille, elle perçut autour d’elle la chaleur du public, cette atmosphère de foule attentive qui excite singulièrement les orateurs, et les lambeaux de phrase déjà inventés lui venaient aux lèvres. Ah ! comme elle aurait eu du talent, ce jour-là !

Fabrezan-Castagnac, en brave homme pour qui l’âme humaine n’a plus de secret, laissa se dissiper cet orage intérieur comme sans y prendre garde. Il poursuivit même :

— Nous avons, nous, tous les atouts dans notre jeu. Ainsi les rendez-vous en voiture, nous ne les ignorons pas, nous en avons été plusieurs fois le témoin.

— Quels rendez-vous ? questionna la jeune femme.